Papa, maman ... et les autres

- Lucie, viens voir ma chérie, il faut qu'on parle.
- Oui maman.
- Tu es grande maintenant Lucie, tu as 6 ans.
- Oui maman, j'ai 6 ans et demi.
- Bon alors, tu as remarqué que papa et maman se disputent beaucoup depuis quelques temps, et on t'a expliquée que c'est parce que papa et maman ils ne s'aiment plus. C'est comme ça, des fois les gens ils s'aiment, et après ils ne s'aiment plus. C'est comme toi avec tes copines, des fois tu les aimes bien et des fois tu ne les aimes pas, et puis il y en a que tu aimes et d'autres que tu n'aimes pas. Et bien c'est pareil chez les grands.
- Mais c'était bien avant maman, quand vous vous aimez papa et toi.
- Oui ma chérie, mais ça tu sais, on ne le décide pas. Des fois les gens ils s'aiment et après ils ne s'aiment plus. Alors voilà, ton papa et moi on voulait te dire quelque chose. Ce mois-ci, c'est le mois de décembre.
- Oui maman je sais, c'est le calendrier du vent, j'ai le chocolat tous les jours.
- Le calendrier de l'avent, ma chérie, pas du vent.
- C'est ce que j'ai dit maman.
- Si tu veux. Et le mois de décembre, quand tu auras fini le calendrier de l'avent, qu'est ce qu'il se passe ?
- Le Père-Noël il vient et il m'apporte pleins de cadeaux.
- Oui, c'est ça Lucie, c'est ça ma chérie. Et bien cette année le Père-Noël il va aussi apporter des cadeaux à papa, et à maman.
- Mais vous êtes grands. Les grands ils ont pas besoin de jouets.
- Un cadeau ma chérie, ce n'est pas forcément un jouet. Il y a pleins de choses aussi qui font plaisir aux grands.
- Quoi maman ?
- Et bien le Père-Noël, cette année, il a amené un nouvel amoureux pour maman.
- Mais tu as déjà un amoureux maman, puisque c'est papa.
- Oui ma chérie, mais papa et maman ils ne s'aiment plus, donc ils sont plus amoureux, c'est pour ça qu'ils se disputent tout le temps.
- Moi j'aime pas quand vous vous disputez. Il est gentil ton nouveau amoureux ?
- Oui, elle est très gentille, en fait c'est pas vraiment un amoureux, c'est une amoureuse, mais c'est pareil tu sais.
- Ah bon c'est pareil maman ?
- Oui ma chérie, c'est pareil, pourvu qu'on s'aime.
- Mais tu m'as toujours dit qu'il fallait une graine de papa et une graine de maman pour faire un bébé, donc c'est pas pareil alors.
- Si, parce que maintenant les docteurs, ils savent jouer avec les graines pour fabriquer les bébés.
- Et moi alors, j'ai été fabriquée avec une graine de papa et une graine de toi ?
- Bien sûr ma chérie.
- Tu viens de dire que c'était pas obligé.
- Oui enfin heu bon, c'est pas obligé mais heu tu veux un bonbon ?
- Oh oui maman, t'es la plus gentille des mamans.
Suivent quatre secondes de silence.
- Mais alors papa il va être tout triste. Il a plus d'amoureuse papa.
- Et bien en fait, si justement Lucie. Le Père-Noël il a apporté des cadeaux cette année à tout le monde. Il a apporté des cadeaux à maman, et puis il a aussi apporté des cadeaux à papa.
- Ah qu'est ce qu'il a papa comme cadeau ? Je pourrai jouer avec le cadeau de papa ? J'aime bien jouer avec les cadeaux des grands, mais vous me laissez jamais les toucher.
- C'est pas un jouet le cadeau de papa. Le Père-Noël il a pas fait de différence, il a apporté une amoureuse pour maman, et il a apporté un amoureux pour papa.
- Ah bon, papa aussi il va avoir un amoureux.
- Oui ma chérie, et en plus tu le connais bien.
- Ah bon ? Qui c'est, dis-moi, qui c'est ? Il est dans ma classe ?
- Non ma chérie, il n'est pas dans ta classe, c'est une grande personne.
- Mais je connais pas les grandes personnes moi.
- Tu es sûre, tu ne connais aucun monsieur gentil ?
- Ben si j'en connais plein.
- Et bien, tu vois, écoute, heu comment te dire, et bien l'amoureux de papa, tu le vois régulièrement, c'est ton tonton.
- Tonton ? Tonton il est amoureux de papa ?
- Et oui ma chérie, exactement, c'est tonton ma chérie, c'est mon frère, le frère de maman.
- Le frère de maman il peut être amoureux de papa ?
- Oui s'ils s'aiment, pourquoi pas ?
- Et toi ton amoureuse, c'est qui maman ?
- Et bien mon amoureuse, figure-toi que tu la connais aussi.
- Ah bon, je la connais aussi ?
- Mon amoureuse ma chérie, c'est ta maîtresse d'école.
- Hein, mais si c'est ma maîtresse maman ça peut pas être ton amoureuse.
- Ben si, pourquoi ma chérie, ça ne pourrait pas être mon amoureuse ?
- Ben parce que c'est la maîtresse. Si c'est la maîtresse, c'est pas l'amoureuse.
- On peut faire les deux, ma petite Lucie, on peut avoir son travail, et puis aussi, en même temps, être amoureuse.
- Ah bon, tu es amoureuse de ma maîtresse ?
- Oui ma chérie, ta maîtresse et moi on s'aime beaucoup.
- Moi aussi je l'aime ma maîtresse, tu sais maman.
- Oui tu as raison Lucie, c'est bien que tu l'aimes, mais ta maîtresse et maman elles ne s'aiment pas de la même façon.
- Vous vous aimez comment ?
- Et bien on s'aime comme s'aiment les amoureux ma chérie.
- Et c'est comment qu'il s'aiment les amoureux ? C'est quand ils se font pleins de bisous ? Quand ils se font des bisous sur la bouche ?
- Oui c'est ça ma chérie. Et puis quand ils aiment passer du temps ensemble, et puis lorsqu'ils vivent ensemble, quand ils ont la même maison.
- Tu va avoir la même maison que ma maîtresse ?
- Et bien en fait, comme papa et maman ils ne s'entendent plus, ça fait déjà longtemps qu'ils avaient dit qu'ils prendraient une deuxième maison, pour ne pas être toujours ensemble, car ils n'ont plus envie d'être ensemble. Et bien papa il va aller habiter chez tonton, puisque tonton il vit tout seul. Il a une grande maison, donc plutôt que de vivre tout seul, et comme ils s'aiment avec papa, et bien ils vont vivre ensemble, et puis ta maîtresse elle va venir vivre ici, avec maman.
- Mais, et moi, ma maison elle va être où maman ?
- Et bien toi tu auras la chance d'avoir deux maisons, t'auras la maison de maman, et la maison de papa pour toi. Tout ça ce sera tes maisons à toi.
- Ouais c'est super, j'aurai plusieurs maisons alors, et pis j'aurai pleins de jouets dans chacune des maisons ? Comment on va faire pour mes doudous maman ? Moi je n'ai qu'un doudou que je préfère.
- Et bien ton doudou tu l'emmèneras avec toi.
- Et mes poupées maman ?
- Et bien on va prendre des poupées que tu laisseras chez papa, et des poupées que tu laisseras chez maman.
- Oh mais ça va être dur de choisir maman, moi je les aime bien toutes mes poupées.
- Et bien on t'en rachètera ma chérie, on t'en rachètera.
- C'est vrai, c'est vrai, oh c'est super maman, moi je suis contente alors que vous avez trouvé des amoureux, je suis super contente. On ira quand maman acheter les poupées, on ira quand ?
Puisque tout le monde était d'accord, le Noël se déroula en famille élargie. Lucie fut couverte de cadeaux comme jamais. Papa et maman avaient des choses à se faire pardonner, et la maîtresse et tonton avaient envie de se faire bien voir. Lucie était aux anges bien qu'elle ne comprenait pas la situation. Elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi sa maîtresse allait dormir à présent à la maison. Normalement, une maîtresse, ça dort dans une maison de maîtresse. Elle n'avait pas assimilé que la maîtresse pouvait ne pas être que la maîtresse. Mais elle y gagnait au change car, à compter de ce jour, la maîtresse ne la gronda plus jamais. Lucie passa deux Noël comme ça. Le quotidien avait changé, mais avait repris son rythme routinier. Néanmoins Lucie avait compris que dans la vie, il y avait toujours plein de règles à suivre, plein de choses pas agréables que l'on était obligé de faire, et plein d'interdits, mais ce qui était bien, c'est que les règles, des fois, on les changeait. Un jour qu'elle était passée devant une église, les adultes lui avaient expliqué que ça servait pour prier, pour demander au Dieu qui a créé le monde, de bien vouloir leur donner un coup de pouce de temps en temps, parce que la vie n'est pas toujours facile. Alors Lucie, à présent, priait elle aussi, elle demandait que les règles changent concernant le chocolat et les bonbons.
- Monsieur Dieu, pourquoi tu ferais pas que les haricots verts, ça fait grossir, et les bonbons c'est bon pour le corps. C'est vrai quoi, tout ce qui est bon, maman dit qu'il ne faut pas en manger parce que c'est pas bon pour le corps, et tout ce qui est pas bon, les épinards, la salade, les betteraves rouges, les poivrons, maman elle me force à en manger, beurrrk.
Lucie vérifia que personne ne l'ait surprise. Ouf, c'était bon, son secret entre Monsieur Dieu et elle serait bien gardé. Elle n'avait pas encore perdu ce sixième sens qui rend les enfants plus perspicaces que les adultes. En voyant le changement d'attitude de sa mère, ce fut donc elle qui mis les pieds dans le plat la première :
- Maman, tu n'est plus amoureuse de Stéphanie. Tu vas changer d'amoureuse ?
- Mais qui t'a dit ça ma chérie ? C'est Stéphanie ?
- Non je le sais.
- Mais tu le sais comment ?
- Ben je le sais.
- Mais qui te l'a dit ?
- Personne.
- Mais comment tu le sais alors ?
- Ben je le sais.
- Bon d'accord, tu le sais. Si, voyons, je suis toujours amoureuse de Stéphanie, mais ce n'est plus comme au début.
- Au début vous vous faisiez pleins de bisous, et toujours des câlins. Et maintenant vous faites que vous disputer.
- C'est un peu vrai ma princesse. Les temps changent.
- Je vais avoir une nouvelle maman.
- C'est-à-dire que, en quelque sorte, la famille va s'agrandir, c'est vrai, mais, et qu'est ce que tu penses d'avoir un petit frère ?
- Oh non j'aime pas les garçons, ça joue tout le temps à la bagarre.
- Une petite sœur alors ?
- Ah oui, une petite sœur j'aimerais bien, pour jouer avec. On pourrait jouer aux cartes. J'ai jamais personne pour jouer aux Pokemon.
- Alors va pour une petite sœur. Mais tu sais, on ne choisit pas toujours. Des fois, on veut une petite sœur, et puis c'est un petit frère qui vient. Au début on est surpris, et puis après on prend l'habitude, on apprend à jouer avec lui, c'est bien aussi un frère.
- Pourquoi tu dis qu'on choisit pas ? T'as dit que les docteurs, maintenant, ils pouvaient faire comme ils voulaient avec les graines pour faire les bébés.
- Oui, mais ils ne peuvent pas choisir les graines pour savoir si ça va faire un garçon ou une fille.
- Alors si c'est un garçon, on le donne, et on demande au docteur de recommencer jusqu'à ce que c'est une fille.
- Moui, enfin bon, c'est, on va réfléchir à tout ça.
Quatre secondes de silence permirent à la maman de Lucie de reprendre son souffle.
- Bon, ma chérie, tu est grande maintenant, il faut qu'on parle.
- Oui je sais, t'es plus amoureuse de Stéphanie.
- Pas seulement. En fait, je vais avoir un bébé. Donc pour toi, ça va te faire une petite sœur ... ou un petit frère.
- Ouais chouette. J'aurai une copine pour m'amuser. Mais je croyais que t'étais plus amoureuse de papa ?
- Quel rapport avec papa ?
- Ben la graine du papa pour faire le bébé, c'est pas Stéphanie qui l'a donné non ?
- Très perspicace ma chérie, tu grandis. Ok, j'avoue, tu as raison, la graine de papa c'est pas Stéphanie qui l'a donnée. Mais c'est pas papa non plus.
- Ben c'est qui alors ? Le Père-Noël ? répondit avec sarcasme Lucie.
- Lucie, je t'interdis de me parler sur ce ton, si tu ne veux pas que je me fâche. Tu es une grande fille à présent, d'accord, mais que ça ne t'empêche pas de me respecter !
- Pardon maman. Mais la graine de papa alors, qui c'est qui l'a donné ?
- Hé bien c'est un monsieur.
- Oui ?
- Un monsieur qui dépose des graines dans un hôpital où ils les gardent, et quand une dame veut une graine, l'hôpital lui en donne une.
- Mais pourquoi t'as pas pris une graine de mon papa ?
- Parce que je ne l'aime plus.
- Tu es amoureuse du monsieur de l'hôpital ?
- Non ma chérie, je ne le connais pas.
- Pourquoi t'as pris une graine d'un monsieur que tu ne connais pas ?
- Parce que je ne veux pas du monsieur, seulement la graine.
- Pourquoi tu ne veux pas du monsieur ?
- Parce que j'ai déjà une amoureuse, et qu'à nous deux, ça suffit pour s'occuper du bébé.
- Pourquoi il donne des graines le monsieur ?
- Je ne sais pas ma chérie, il a sûrement ses raisons.
- Il est bizarre ce monsieur.
- Oui si on veut. Tu veux un bonbon ?
Les bonbons, ça colle aux dents, mais surtout ça limite très fortement l'élocution, et c'est mieux toléré dans l'opinion publique que le scotch sur la bouche, ce qui permit à la maman de Lucie de continuer :
- Il faut que je te dise ma puce. Effectivement tu as raison, je ne m'entends plus avec Stéphanie, mais c'est un peu de ma faute, c'est que j'ai rencontré un monsieur très gentil, et que c'est lui qui va m'aider à élever le bébé que j'ai dans le ventre.
- Un monsieur ? Mais je croyais que tu faisais les bébés avec les maîtresses !
- Non, on fait les bébés avec les graines, mais on peut être amoureux de qui on veut.
- Alors je vais avoir deux mamans et un papa.
- Pourquoi deux mamans et un papa ?
- Toi, Stéphanie, et le nouveau monsieur dont tu es amoureuse, ça fait bien trois ?
- Oui, ça fait trois effectivement, mais ce n'est pas vraiment ce qui va se passer, car si tu as un nouveau papa à la maison, c'est que je ne suis plus amoureuse de Stéphanie, donc Stéphanie ne sera plus là.
- Elle sera où ?
- Dans une autre maison, où elle voudra, ça ne me regarde plus.
- Elle va redevenir ma maîtresse alors ?
- Non, tu est trop grande maintenant. Elle s'occupe toujours des enfants de maternelle.
- Donc elle n'est plus ton amoureuse, et elle n'est plus maîtresse.
- Si, elle est toujours maîtresse, mais pas pour toi.
- Pourquoi pas pour moi, elle ne m'aime plus ?
- Regarde la télé cinq minutes, je crois que j'ai besoin de me détendre, je reviens tout de suite.
- Pourquoi t'as besoin de te détendre ?
- Télé et silence !!!
Le temps de fumer une cigarette sur le balcon, et Pascale, la maman de Lucie était de retour. Elle ne voulait pas laisser Lucie seule trop longtemps. A cet âge, on se trouve vite une occupation, mais rarement une occupation autorisée.
- Bon, il y a encore une chose que tu ne sais pas.
- Quoi maman ?
- Le monsieur dont je suis amoureuse, et bien il a un petit garçon, qui a à peu près ton âge.
- Comment vous avez fait maman, pour faire un bébé qui a mon âge ?
- C'est un bébé qu'il a fait avec une autre dame il y a longtemps. Un peu comme moi avec ton papa. On a fait un bébé, et puis après on était plus amoureux, alors on s'est quitté. Lui c'est pareil.
- Il était amoureux avec papa ?
- Non, il était amoureux avec une dame, ils ont fait un bébé, et puis ensuite, avec la dame, ils n'étaient plus amoureux, donc ils se sont quittés. Et le bébé est resté avec son papa. Et comme maintenant le papa il est amoureux avec moi, son fils va venir vivre avec nous. Tu vas avoir un petit frère ma chérie.
- J'aime pas les garçons maman, je t'ai déjà dit. Je veux bien une sœur, mais pas un garçon.
- Rassure-toi, ce ne sera pas vraiment ton frère, ce sera un demi-frère.
- Il est si petit que ça ?
- Non, il a une taille normale, mais on dit demi-frère quand on a un seul parent en commun, et pas les deux. Un frère et une sœur, ils ont le même papa et la même maman. S'ils n'ont pas le même papa ou pas la même maman, ils sont demi-frères et demi-sœurs.
- Et quand on a pas du tout de papa et de maman pareil, on dit comment alors ? Parce que le bébé de ton nouveau amoureux, on n'a pas le même papa et on n'a pas la même maman.
- Oui, mais tu verras, il est très gentil, tu seras très contente d'avoir un frère.
- Je crois pas moi.
Et Lucie continua de grandir ainsi, paisiblement, du moins pour quelques mois.
- Mon trésor, tu te rappelles de tonton, minauda Pascale à l'attention de sa fille adorée.
évidemment maman, il me manque, souvent je pense à lui.
- J'ai une bonne nouvelle. Ce week-end, il viendra à la maison.
- C'est vrai ? Vrai de vrai ? Tu n'es plus fâchée avec lui alors ?
- Non ma chérie je ne suis plus fâchée avec lui.
- Pourtant il t'a quand même piqué ton amoureux.
- Il ne faut pas parler comme ça ma puce.
- C'est toi qui me l'as dit. Tu as dit que tu étais fâchée avec ton frère parce qu'il t'avait piqué ton mari. Même que t'as dit :" je ne suis pas prête de le revoir ce con ".
- Je ne me rappelle pas avoir dit ça, mais même si je l'ai dit, c'est que j'étais énervée, et quand on est énervé, des fois, on dit des choses qu'il ne faudrait pas. Donc ce n'est pas parce que je l'ai peut-être dit que tu peux te permettre de parler comme ça.
- D'accord maman. Mais pourquoi tu n'es plus fâchée avec tonton.
- Parce que c'est de l'histoire ancienne. D'ailleurs, tonton il n'est même plus avec ton papa.
- Ah bon, ils ne sont plus amoureux ?
- Non, leur amourette a battu de l'aile au premier coup de tonnerre.
- J'ai rien compris là maman.
- Oui, je te disais qu'ils ne vivent plus ensemble depuis le mois dernier.
- Ah c'est pour ça que t'es plus fâchée alors.
- Non, ça n'a rien à voir. Enfin si un peu, mais pas seulement. Cette dispute était ridicule, il faut savoir vivre avec son temps, mais quand même, ce con, il aurait pu trouver un autre mec que le mien, ça ne se fait pas merde.
- Tu vois maman, tu recommences, et après, moi, quand je dis que tonton il est con, tu me grondes.
- Pardon ma chérie, c'est que j'ai un peu mal à la tête aujourd'hui, je ne suis pas trop bien, je suis un peu malade.
- C'est une maladie qui fait dire des gros mots ?
- C'est un peu ça oui.
- Ben tonton, il est plus personne alors ?
- Si bien sûr, c'est toujours ton tonton, car il sera toujours mon frère.
- Et papa, il va revenir à la maison alors ?
- Ah non, sûrement pas.
- Mais c'est où la maison de papa maintenant ?
- Ton papa, il a pris un petit appartement tout seul, pour l'instant.
- Il va être malheureux tout seul ?
- Mais non, ne t'inquiètes pas, et puis il n'est pas tout seul, ce n'est pas parce qu'il n'a plus d'amoureux qu'il est seul, il a des amis, on se demande comment d'ailleurs parce que c'est toujours un sale heu..
- Faut pas parler de papa méchamment, moi je l'aime papa, il est gentil papa.
- Oui bien sûr, ma chérie, excuses-moi, tu as raison, ton papa reste ton papa, et c'est un très gentil papa.
- Exactement !
- Bon, y a rien à la télé sur Gulli ? Mets un DVD si tu veux.
- Ouais chouette, c'est vrai, je suis pas obligée de faire les devoirs ce soir ?
ça va pas ? Et puis quoi encore ? Pourquoi tu ne ferais pas tes devoirs. Allez ouste, dans ta chambre, et tu n'en sors que lorsque tu auras fini tes devoirs.
- Mais j'y comprends rien, il faut que tu m'aides.
- Je n'y comprends rien non plus, demande à Stéphanie, c'est elle la prof après tout.
- Je vois que j'ai encore une utilité dans cette maison apparemment, mais c'est bien la seule, asséna Stéphanie qui traînait dans la pièce d'à côté et n'avait rien perdu de la conversation.
écoute, bafouilla la maman de Lucie, je comptais t'en parler.
- Voilà une chose de faite. Alors ça y est, je vais sur le banc de touche. Et Lucie ? Je m'en occupe depuis 2 ans 1/2 comme si c'était ma propre fille, allez, ouste, à la rue aussi la relation privilégiée que j'ai avec ta fille ?
- Non, bien sûr, qu'est ce que tu vas imaginer là, tu pourras continuer à voir Lucie autant que tu le voudras. Au contraire, il ne faut pas prendre la gamine en otage, elle n'y est pour rien, il faut la perturber le moins possible.
- Gentille attention, quand tu sortiras avec ton nouveau mec, j'aurai le droit de la garder, c'est ça ? Pourquoi tu n'as pas le courage, pour une fois dans ta vie, d'être franche ? Pourquoi tu n'avoues pas à ta fille que Stéphanie, elle fait comme tonton, ouste dans sa chambre, qui n'est plus la tienne, parce que dans ta chambre il en défile du monde, mais jamais la même tête.
- Est ce que tu peux m'épargner cette scène, s'il te plaît, surtout devant la petite.
- Pardon, j'oubliais, il faut la ménager la petite, c'est vrai, il ne faut pas lui montrer que sa maman, en amour, elle est juste égoïste et cruelle.
Sur ces paroles indélicates, Pascale partit en claquant la porte. C'en était trop, inutile de discuter avec une Stéphanie qui s'emportait comme une enfant. Et dire que c'est prof de maternelle, s'attristait la maman de Lucie en constatant le manque de contrôle dont faisait preuve Stéphanie. Au milieu de tant d'amour qui fusait dans toutes les directions, s'évanouissait, renaissait, Lucie avait bien du mal à faire la part des choses, à séparer le bon grain de l'ivraie, et à retenir le rôle de chacun à un moment donné. Elle courut derrière sa maman, et pour la consoler, elle résuma fort justement ce qu'elle avait compris :
- Faut pas pleurer maman, c'est pas grave si le papa, c'est une maman, si la maman c'est une maîtresse, si une sœur c'est deux frères, si les frères c'est des demi-frères, si les demi-frères c'est pas la même famille, si tonton c'est plus tonton et puis après c'est encore tonton. Pourvu qu'on joue tous ensemble, et qu'on s'aime, on est heureux pareil que si c'est moins compliqué !

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