Euro 2016

La Garce

Abandonnée par son petit ami, joueur de football talentueux, Lilia est prête à tout pour se venger. Le moment est idéal, Teddy est concentré sur la compétition en cours, sa nouvelle compagne, Eva, a les yeux qui pétillent en voyant les contrats flamboyants qui se profilent.
Lilia parviendra-t-elle à détruire leur idylle ? Réussira-t-elle à reconquérir Teddy ?



chapitre I
La vengeance se prépare

Lilia était dans les gradins, à une place indigne. Il ne lui avait même pas offert de places réservées. Elle qui faisait la une des magazines au bras de la nouvelle coqueluche du football. Même sans invitation, pas question de manquer cette demi-finale. Elle ne regretta pas son acharnement, La France avait gagné. C'était en partie la victoire de Teddy. Et elle ne faisait pas partie de la fête, elle vagissait dans les gradins, comme une pestiférée. Elle enrageait. Il lui paierait cher cet affront. Elle remarqua dans les tribunes Lilou et Clara, les femmes respectives de Sissako et de Rinaldi, qui riaient en dégustant une coupe de champagne. Elle prit sa décision sans réfléchir, il fallait qu'elle agisse, la fête ne se passerait pas sans elle. Elle partit en direction des deux élues. Le service d'ordre la connaissait, entre les rencontres, les ruptures, les réconciliations, les badges oubliés, il leur était difficile de savoir qui pouvait entrer ou non dans le cercle VIP. Lilia avait eu ses habitudes parmi les privilégié(s). Elle put s'asseoir sans difficulté, avec insouciance et légèreté, au milieu du groupe. Son plan était prêt. Les joueurs étaient sur le terrain, intouchables pour le moment. Elle s'attaqueraient donc aux femmes : Lilou et Clara finiraient dans son lit !


Chapitre II
Une nuit inoubliable

L'affaire fut beaucoup plus aisée qu'elle ne l'avait craint. Clara lui avait toujours lancé des regards langoureux et l'avait régulièrement complimentée sur sa silhouette élancée de sportive accomplie et ses formes généreuses qui faisait de Lilia une croqueuse d'hommes. Homme ou femme, Clara n'avait jamais été très regardante. Carpe diem était sa devise. Tant qu'il y avait du plaisir... Rendez-vous fut pris pour le soir même. Le temps que les joueurs sortent des vestiaires, signent les autographes, bafouillent leurs interview, partent faire une virée du diable, s'abrutissent d'alcool, et dès que les esprits seraient suffisamment embrumés, les trois filles se retrouveraient au bar de l'International pour débuter leur fête à elles trois, rien qu'entre filles, avec toute la tendresse et l'attention dont seules filles savent faire preuve.
Le lendemain vers 5h du soir, elles émergeaient péniblement des quelques heures de sommeil qui avaient suivi leur nuit de passion. Lilia s'était démenée pour satisfaire ses deux amies, pour les rendre accro, pour qu'elles veuillent que cette nuit se reproduise encore et encore. Elle avait atteint son but, Clara et Lilou étaient blotties contre elle, toutes les trois se serraient et continuaient à se caresser tendrement.
- Je vous aime toutes les deux, avait-elle prononcé comme une sentence, pour marquer la mise à mort de leurs anciennes relations.


Chapitre III
Ruptures en cascade

Lorsque l'on est jeune, belle et riche, les histoires d'amour vont et viennent comme des croissants chez un boulanger un dimanche matin. Les passions dirigent les actions. Rien de surprenant à ce qu'ils officialisent aussi rapidement leur relation tripartite. Clara et Lilou n'étaient officiellement plus les compagnes des joueurs, et tout le monde en était satisfait : les journalistes qui trouvaient là matière à remplir leurs papiers, les partenaires qui partaient vers d'autres aventures, et même ceux et celles qui étaient délaissé(e)s car la nouvelle situation leur ouvrait de nouveaux horizons, de nouvelles perspectives.
Teddy vit ses deux ailiers lui jeter un mauvais regard. Il vint aux nouvelles :
- ça va les gars ?
- Ouais super, t'en as beaucoup des comme ça ?
- Heuuuu
- Je sais pas si t'es au courant, mais on vient tous les deux de se faire plaquer comme des serpillères !
- Je comprends, je suis désolé pour toi mon poto, mais c'est pas la peine d'être agressif comme ça. On a tous des galères, ça va, ça vient la vie, c'est comme ça.
- Sauf que là c'est ton ex qui nous fout en galère.
- De quoi tu parles ? Quelle ex ?
- Lilia, ça ne te rappelle rien ?
- Et ben quoi Lilia ?
- Elle vient d'embarquer nos gonzesses. Tu la plaques il y a quelques jours et là, coïncidence, elle repart avec les femmes de tes deux équipiers. Tu trouves pas que ça fait un peu gros. On va l'avoir longtemps dans les pattes ton ex ? Si à l'avenir tu laves pas ton linge sale en famille, les ballons en or qu'on t'envoie et que t'as plus qu'à pousser dans les buts, on ira les pousser nous-même dans les buts !

Chapitre IV
Premier pique

Plus habitué à recevoir des éloges qu'à se faire remettre à sa place, Teddy supportait très mal cette altercation. Il se sentait humilié, sali d'avoir subi un tel affront. Il partit à la rencontre de Lilia d'un pas décidé. Elle allait passer une sale quart d'heure.
- Espèce de pouffiasse, tu te prends pour qui à venir foutre le bordel dans mon entourage, beugla-t-il lorsqu'il se retrouva en face d'elle.
- Je ne vois pas de quoi tu parles. J'ai le droit de tomber amoureuse sans te demander ton avis, feignit-elle avec l'innocence d'une ingénue pré-pubère.
- Me joue pas ce chapitre-là. Continue comme ça et je te fais mettre à l'amende, tu ne pourras même plus approcher un stade de foot pour acheter un coca !
Teddy était furieux. Lilia s'était comportée comme une adolescente immature. S'il commençait à laisser ses ex semer la zizanie dans sa vie publique après leur passage dans son lit, son plan de carrière pourrait s'en trouver bousculé. Il continua à l'injurier mais Lilia restait stoïque et semblait sincèrement outrée. Devant tant d'assurance, il eut un doute, mais n'en resta pas moins sur la même ligne d'attaque : mieux valait une innocente bafouée qu'une coupable non châtiée.
Derrière son regard langoureux et son expression de nonne flagellée à tort, Lilia fomentait sa revanche et savourait l'embarras dans lequel elle avait mis Teddy en une seule nuit qui fut, au passage, des plus agréables. Elle pouvait passer à la phase B de sa vengeance.




Chapitre IV
Le sexe est une arme

Lilia ne décolérait pas. Il l'avait brisée comme un fétu de paille, l'avait jetée sans ménagement, pour une Eva sans cervelle, et il commençait déjà à geindre à la première gifle. Il allait apprendre à chanter comme un campagnol qui se coince les parties dans une porte.
L'univers du foot est féerique, on y croise des vieux manitous qui tirent les ficelles et doivent leur présence à toute une vie de coups fourrés et de trahisons, de riches investisseurs pour qui de jeunes ambitions manipulés par les vieux manitous époussettent le tapis rouge avant chacun de leur pas et pchittent un jet de désodorisant après chacun de leur pet, de jeunes joueurs fauchés en pleine galère de cité par le talent qui leur apporte subitement célébrité et argent dont ils n'ont pas eu le temps de lire le mode d'emploi. Lilia avait choisi sa prochaine cible. Elle s'en approcha à pas de velours comme un léopard qui tourne autour de sa proie en faisant mine de l'ignorer. Les vieux pièges restent les plus efficaces. Elle trébucha volontairement et son Martini finit sa course sur le polo du sélectionneur. Quiconque dans la situation de Lilia se serait confondu en excuse. Le sélectionneur faisait parti des intouchables. Son influence était sans limite. Mais Lilia avait sa jeunesse et son décolleté pour elle, ce qui n'est pas rien. Le sélectionneur n'eut pas le temps de râler qu'elle lui coupa la parole.
- Oh je suis sincèrement désolée. J'aurais préféré vous aborder autrement mais je n'ai rien trouvé de mieux. Vous savez que j'ai quitté Teddy. Oui j'en ai assez de tous ses jeunes sans expérience. Le succès leur monte à la tête. Ils font croire aux filles qu'ils sont des dieux mais enlevez-leur leur ballon et mettez à la place une fille et ils ne savent plus rien faire.
Marcel éleva son regard avec un sourire habitué, mais il ne réussit pas à apercevoir les yeux de Lilia car la trajectoire comportait deux obstacles savamment disposés : les seins de Lilia. Il n'en était pas à son premier rentre-dedans et la période présente, juste avant la finale, était bien mal choisie pour une dégustation de friandise mais Lilia jonglait et dribblait les hommes avec autant d'aisance que Teddy les ballons. Marcel laissa faire. Lilia enchaîna immédiatement avant qu'il ne sorte de son hypnose :
- Je sais que vous n'avez pas le temps de m'offrir un verre et que le moment est mal choisi. Je ne vais donc pas vous faire perdre votre temps. Je vous observais déjà à l'époque où j'étais avec Teddy, et je me disais que je sortais avec un gamin, et que jamais dans ma vie je n'ai eu la chance de rencontrer un homme mûr qui saurait me protéger, me rassurer, auprès de qui je me sentirais entourée. Je suis à l'hôtel Hilton, suite 212, venez me rejoindre ce soir, vous ne le regretterez pas.


Chapitre VI
Carton rouge pour le sélectionneur

La secrétaire personnelle du sélectionneur se déplaça pour rencontrer Teddy :
- Bonjour Monsieur, M. Barquin souhaite vous voir dans son bureau dès que possible s'il vous plaît.
La procédure était inhabituelle. Les grands pontes essayaient toujours de sympathiser avec les joueurs pour les mettre en confiance et ensuite leur faire avaler plus facilement n'importe quelle pilule. Ils essayaient de casser la distance. Faire transmettre un message par l'assistante était tout l'opposé.
- ça sent le roussi votre affaire, plaisanta Teddy pour tenter de glaner une précision.
L'assistante ne releva pas, l'une de ses fonctions était d'être aussi discrète que possible, toujours disponible mais invisible. Elle tourna les talons et repartit de sa démarche digne. Teddy ne put s'empêcher d'admirer le galbe tentant de ses jambes que mettait en valeur la couture savamment visible de ses bas. Il tenta de vaquer à ses occupations habituelles mais cette convocation lui trottait dans la tête. Il n'avait pas de quoi s'inquiéter, le champion c'était lui. Mais tout de même, la méthode était surprenante. Plutôt que de tourner en rond à gamberger, il se rendit dans le bureau où l'on négociait des millions comme un buraliste manipule des paquets de cigarettes.
- Bonjour Marcel, comment vas ? commença-t-il prudemment. Il cherchait à prendre la température comme on dit, à comprendre la raison de cette officieuse convocation officielle.
Le visage de Marcel se crispa, ce qui n'était pas bon signe. Ses sourcils s'abaissèrent. Il racla sa gorge et s'exprima sur un ton trop sérieux :
- Vous savez, M. Vlackmar, j'ai un travail très difficile, il faut déceler les talents, les entraîner, gérer la vie publique des joueurs, satisfaire aux exigences des sponsors, et plus important que tout, gérer l'image du club. C'est le public notre patron à tous. Nous lui devons des comptes. La victoire sans le panache n'est rien.
Il marqua un blanc. Effet de style qui agaça Teddy. Qu'il en vienne au but puis retourne à son golf. Marcel continua :
- L'affaire de votre ex-femme a fait beaucoup de bruit.
Nouveau blanc, pour bien appuyer l'information. Teddy était franchement irrité. Qu'est ce qu'ils avaient tous à lui tirer les poils avec son ex !!!
- Je vous rappelle que je ne gère pas une équipe de 3° division, mais l'équipe de France. Nous renvoyons l'image de la France. Le monde a les yeux braqués sur nous. Nous nous devons tous de surveiller notre comportement. Le scandale en première page de tous les journaux autour de votre ex-femme et celles de vos ailiers génère une ambiance délétère au regard de la sérénité attendue pour l'enjeu qui nous attend.
Mais qu'est-ce qu'il baragouine, je ne comprends rien à son charabia, jamais il parle comme ça, marmonna Teddy pour lui-même.
- En conséquence, j'ai dit pris la difficile mais nécessaire décision de vous écarter temporairement du terrain. Vous serez sur le banc de touche dimanche.
Cette fois-ci, Teddy exposa :
- Quoi ? Dimanche ? Mais c'est la finale dimanche ! T'as pété un cable ou quoi ?
Marcel fit signe à son assistante de raccompagner l'ex futur vainqueur.
Teddy fulminait. Cette décision était impensable. Une pure hérésie pour le match. Inconcevable. Il ne pouvait y avoir qu'une seule explication : encore un coup fourré de Lilia. Cette fois-ci, il allait la réduire en charpie.



Chapitre VII
Il a mis le pied dedans

Teddy n'eut aucun mal pour trouver Lilia. A vrai dire, non seulement elle ne se cachait pas, mais elle s'attendait même à sa venue. Le banc de touche, c'était le coup de grâce. Même s'il ne pouvait rien changer dans les faits, son ego allait tenter de reprendre le dessus. Au moins une bonne gifle pour avoir le dernier mot. Lilia ne craignait pas la gifle car elle serait l'enterrement de Teddy. La frapper en public, ce serait comme clouer lui-même les planches de son propre cercueil. Elle voyait déjà les titres des journaux " Il ne supporte pas la rupture et frappe son ex. Une plainte pour violence est déposée. Cela va-t-il marquer la fin de la carrière de Teddy Vlackmar ? ".
Elle piaffait d'impatience en attendant sa baffe et dut faire un immense effort pour dissimuler l'expression rayonnante de son visage lorsqu'elle le vit fondre sur elle.
- Mais t'es malade ou quoi ? T'as un problème sérieux !
Pas de coup, et il faisait les questions et les réponses. Lilia était dépitée, elle s'était attendue à plus théâtral. Elle joua son rôle. Impossible de nier cette fois-ci, la ficelle était trop grosse. Elle choisit donc de fondre en larmes.
- Pardonne-moi, je sais que j'ai déconné, mais je t'aime trop. Je pars complètement en vrille depuis que t'es plus là. Je ferai tout ce que tu voudras, je sais pas comment me faire pardonner. J'ai pas réfléchi, j'étais trop malheureuse.
Et elle pleura, elle pleura, elle renifla, elle s'étrangla, elle se moucha, et poussa même le vice jusqu'à essuyer avec le revers de sa manche un écoulement de morve forcé. La colère de Teddy passa aux oubliettes. Lilia savait parfaitement retrouver la petite fille sage et innocente qu'elle n'avait pourtant jamais été. Teddy était planté là, les bras ballants. Que pouvait-il faire ? Elle se rapprocha de lui et l'enserra avec de chaude larmes. Ses bras se refermèrent sur le cou musclé où elle enfouit sa tête. Teddy serra contre lui cette petite fille perdue. Un " Oh ! " aigu vrilla le silence de la scène. C'était Eva, la nouvelle égérie de Teddy, qui passait par là et venait de les surprendre son fiancé dans les bras de son ex.


Chapitre VIII
Echec et mat

L'image de Teddy en prit un coup dont elle n'était pas prête de se relever. Pour l'opinion publique, il était le chienchien de Lilia. Lilia l'avait jeté comme une chaussette malodorante pour se jeter dans les bras de toutes les filles de l'équipe. Et lui, sans aucune dignité, abandonnant tout amour propre, avait continué à quémander un peu d'affection. Il n'avait pour cela pas hésité à faire souffrir la pauvre jouvencelle Eva que tout le monde plaignait. Il était l'homme sans âme, sans honneur. Même s'il restait un joueur rapide, puissant et un technicien remarquable, aucun club de premier rang ne voudrait désormais plus attacher son image à tant d'indignité. Lilia était satisfaite et put se débarrasser de son Marcel grisonnant qu'elle n'avait jamais supporté. En prime, il transpirait des aisselles au moindre effort, toute intimité était intenable. Elle jeta son dévolu sur la dernière recrue. Elle les aimait bien, finalement, ces petits jeunes qui perdaient le peu de tête en leur possession lorsqu'ils signaient leur premier contrat avec plus de zéros derrière le 1 que l'école buissonnière ne leur avait appris à en compter. Ils étaient des petits lapins courant dans l'herbe après une carotte ronde, et qui terminaient toujours leur course entre ses griffes de léopard. Et puis, entre un Teddy et un Marcel, il y avait trente ans d'écart. C'est pas rien trente ans.

Elle était heureuse, elle avait atteint tous ses buts. Personne ne pouvait impunément la jeter comme une moins que rien. Elle détenait le pouvoir, sur les jeunes écervelés, sur les vieux décrépis, sur les bimbos toujours à cours d'aventures. Elle se sentait si bien dans sa peau de garce qu'elle laissa échapper à voix haute une pensée qui lui trottait dans la tête depuis quelques temps déjà :
- Quand je me serais lassé de celui-là, il faudra que je m'intéresse au milieu de la Formule 1.

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