Désolé,
mon humeur n'exprime ni humour ni joie en ces jours. Je me sens très seul.
Hier,
je me suis rendu chez le véto.
Le
printemps dernier, je m'y suis rendu pour Minette. Et hier pour
Médor. Tristes destinées.
Ils
seront les derniers. Je n'en veux plus. Trop de peine lorsqu'ils s'en
vont.. Le problème des
bestioles
est que des liens se créent et qu'ils meurent bien plus tôt que
nous. Dix-sept
printemps
seulement, et mon petit minou s'est envolé vers le ciel. Et hier le
tour du chien. Il ne
compte
que treize Noëls !
Je
revois cette scène.
Nous
voici chez le véto. Pour te piquer Médor. C'est le but de notre
visite. L'oeil professionnel
du
véto me reproche les soins qui t'ont peu été prodigués. Les
soucis du quotidien, Médor, tu
me
comprends, toujours des sous et du temps derrière lesquels on court.
Mon coeur se déchire
de
te voir ici. Je donne tous mes biens pour pouvoir me dérober, me
défiler, pour ne plus
devoir
prendre une telle décision. Je coule et le véto m'enfonce, il me
dit qu'il ne peut prendre
cette
décision pour moi. On te pique, Médor, ou l'on prolonge cette
triste fin de vie ? Tu t'urines
dessus,
tu boudes tes croquettes, tes os ressortent de tes poils, tu ne joues
plus, tu te lèves
très
difficilement. Que reste-t-il de ton bonheur de vivre ?
Je
me mens tout seul, puisque je suis venu pour te piquer. Impossible de
le dire. Je me
contente
d'exprimer mon refus de continuer les soins. Le véto l'interprète,
très justement,
comme
une permission. Il se retourne, il tient une seringue énorme,
remplie d'un liquide rose.
C'est
singulier, le rose, en principe, c'est synonyme de bonheur. Il
cherche une grosse veine. Je
l'interroge
encore une fois : risques-tu de souffrir ? Il me confirme que c'est
indolore, une
simple
piqûre qui provoque un sommeil définitif. Juste un endormissement.
Nul mot, nul son.
Une
seringue qui officie, qui pénètre, une veine qui reçoit ce mortel
intrus. Tu comprends ce
qui
se déroule, tes yeux me fixent, Je me sens terriblement indigne,
honteux. C'est trop injuste
pour
toi. Le liquide de cette horrible seringue diminue. Tu ne dis rien,
soumis, résigné. Je
ressens
un sentiment de dégoût envers moi-même. Et puis un souffle énorme,
d'une force
mortelle.
Le dernier souffle, celui qui vide entièrement les poumons. C'est
fini, dit simplement
le
véto.
C'est
tout ? Je dois sortir ? Rien de plus cérémonieux ?
Je
me sens ignoble. Je ne peux me retenir de pleurer. Moi, je dois vivre
en présence de mon
coeur
déchiré. Impossible d'écourter cette douleur qui me broie. Mon
médecin ne peut utiliser
le
liquide rose. Ce doit être ce que l'on nomme le droit de véto. le
droit dont ne bénéficie que le
véto.
Il
se dirige vers le comptoir de réception. Je lui règle ce que je lui
dois. Il me reconduit. Il feint
d'être
triste. Je sors. J'entends le bruit d'une serrure derrière moi. Je
suis seul.
Mon
épouse est morte depuis un bien long moment. Nul chérubin ne vint
sceller notre union.
Toi
seul, Médor, et Minette, pour recevoir mon trop-plein de sentiments.
Je suis désespérément
et
tristement seul. Je lève les yeux vers le futur, et l'horizon me
renvoie le reflet d'un mort :
moi.
Cette vision est mon dernier lien sur cette vie, mon unique espoir de
guérison.
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